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La dignité acquise
Longtemps, Sun-Cheol KWUN
a peint la montagne devant laquelle il plantait son chevalet. Yong Ma
(Dragon Cheval) à lEst de Séoul, avec ses rochers
arides, sa drôle dallure provoquée par la carrière
creusée dans son flanc, dont le maître parle comme une
blessure. Puis La Sainte-Victoire, au Sud de la France, en hommage à
Cézanne dont elle fût lultime muse, linstrument
de la communion moderne entre les notions dinachèvement
et dinfini. Et les collines toscanes, doù surgirent
luvre de Giotto et la Renaissance des arts occidentaux. Autant
de lieux de solitude, dimmensité, propices aux lumières
roses et à lélévation de lâme.
"La montagne, en Corée, cest 70% de la terre".
Aujourdhui ce sont
les âmes des Coréens et leurs visages qui captent lénergie
de maître Kwun et nourrissent ses carnets de croquis. Noueuses,
boueuses, ridées : uniquement celles "des hommes qui ont surmonté
la tragédie de lhistoire et en ont acquis une sagesse.
Une bonté. Au-delà des notions de victoire et déchec".
Des mangeurs de pomme de terre, aurait dit Van Gogh. Rien que des veuves
de guerre, donc, des marins perdus, et trente-trois manifestants courageux,
arrêtés et torturés le 1er mars 1919, devenu depuis
jour de fête nationale : le peintre leur consacre dans la présente
exposition une installation de grands formats montés, tels des
bannières, sur des hampes en bois. Car si les temps de la résistance
à la dictature sont terminés en Corée du Sud, si
le groupe Mi-Jong dont Sun-Cheol Kwun fut un membre actif appartient
désormais à lhistoire, le peintre nen conserve
pas moins le sens du devoir de mémoire. Tel Giacometti, Zoran
Music ou De Kooning, Kwun peint contre loubli. "Ma génération
a vécu des événements historiques incompatibles
avec la sérénité de lâme. Colonisation,
guerre, occidentalisation...Peindre les visages comme je le fais me
défoule et me console".
Grand, épais, spectaculaire.
Synthétisant différents aspects de la création internationale
actuelle- les silhouettes de Blais, les matières de Leroy, les
graphismes de Rainer...-, luvre de Kwun génère
des formes puissantes. Simultanément minérales et dynamiques.
Scories, boulets, météores. Sous laspect de la cendre,
leurs tons de ciel et de chair mêlés évoquent
une plaie immense et vive. Limpossible oubli. Du dialogue entre
la virginité perdue et la dignité acquise ainsi formulé
sourd une identité originale. Une nouvelle race danges ?
Françoise Monnin, 1997.
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1998 |
Galerie Gana, Séoul, Corée du Sud |
1997 |
Galerie
Gana-Beaubourg, Paris |
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TITRES
1.Ame, 1997
2.Ame, 1997
3.Visages,1997
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